ET POURTANT, ÇA MARCHE : QUAND LA SCIENCE SE TROMPE AVEC BRIO

“C’est la théorie qui décide de ce que nous pouvons observer.” — Albert Einstein, The Evolution of Physics (1938), avec Leopold Infeld

L’histoire des sciences regorge de modèles fondés sur des hypothèses erronées qui ont pourtant produit des résultats remarquablement efficaces. Ce paradoxe n’est pas une faiblesse de la méthode scientifique, mais une démonstration de sa robustesse : une théorie peut être fausse dans ses fondements tout en étant localement utile, prédictive, voire indispensable. Cet article explore des exemples issus de la physique, des mathématiques, de la biologie, de l’économie et de la médecine, en précisant à chaque fois les expériences ou observations qui ont permis à ces modèles de fonctionner malgré leur fausseté.



Le géocentrisme et les épicycles : Ptolémée et la mécanique céleste

Au IIe siècle, Claude Ptolémée propose un modèle où la Terre est immobile au centre de l’univers. Pour expliquer les mouvements complexes des planètes, il introduit les épicycles : des cercles secondaires superposés aux orbites principales. Bien que le principe soit faux, ce système permettait de prédire avec précision les positions planétaires, et fut utilisé pendant plus de 1 400 ans pour la navigation, les calendriers et l’astronomie.

L’éther luminifère : Michelson et Morley à la recherche d’un support invisible

Au XIXe siècle, les physiciens supposent que la lumière se propage dans un « éther », un milieu invisible censé remplir l’espace. En 1887, Albert Michelson et Edward Morley conçoivent une expérience d’interférométrie pour détecter le mouvement de la Terre à travers cet éther. Leur résultat est négatif : aucune variation mesurable. Ce paradoxe conduit à la remise en cause de l’éther et prépare le terrain pour la relativité restreinte d’Einstein en 1905.

Le modèle de Bohr : des orbites fixes pour expliquer les spectres

En 1913, Niels Bohr propose un modèle atomique où les électrons gravitent autour du noyau sur des orbites quantifiées. Ce modèle viole les lois classiques de l’électromagnétisme, mais il permet de prédire avec exactitude les raies spectrales de l’hydrogène. L’expérience de Balmer sur les longueurs d’onde de ces raies confirme les calculs de Bohr, bien que le modèle soit remplacé quelques années plus tard par la mécanique ondulatoire de Schrödinger.

Les séries divergentes : Hardy et les sommes impossibles

Le mathématicien G. H. Hardy étudie au début du XXe siècle les séries divergentes, notamment celles qui n’ont pas de somme finie au sens classique. Pourtant, dans certains contextes physiques (comme la théorie des cordes), des méthodes de régularisation attribuent à ces séries des valeurs cohérentes. Par exemple, la série 1 + 2 + 3 + 4 + … est associée à –1/12 dans le calcul de l’énergie du vide, une valeur confirmée expérimentalement dans l’effet Casimir.

La théorie des humeurs : Hippocrate et Galien structurent la médecine antique

Dès le Ve siècle av. J.-C., Hippocrate propose que la santé dépend de l’équilibre entre quatre humeurs corporelles. Galien, au IIe siècle, développe cette théorie et l’applique à la pratique médicale. Bien que biologiquement fausse, cette approche permet de classifier les maladies, de structurer les diagnostics et de guider les traitements pendant plus de 1 500 ans, jusqu’à l’avènement de la médecine expérimentale.

La main invisible : Adam Smith et l’auto-régulation des marchés

En 1776, Adam Smith publie La richesse des nations, où il introduit l’idée que les marchés s’équilibrent spontanément grâce à une « main invisible ». Ce principe, bien que simpliste et souvent contredit par les crises économiques, sert de base à la modélisation microéconomique. Il permet notamment de formaliser les équilibres de marché et d’introduire les fonctions d’offre et de demande dans les modèles mathématiques.

Les réseaux de neurones : McCulloch et Pitts posent les bases d’un modèle faux mais fécond

En 1943, Warren McCulloch et Walter Pitts proposent un modèle de neurone artificiel basé sur la logique booléenne. Ce modèle est très éloigné du fonctionnement biologique réel, mais il inspire les architectures de réseaux de neurones modernes. Aujourd’hui, ces systèmes surpassent les humains dans certaines tâches (reconnaissance d’images, traduction automatique), non pas parce qu’ils imitent le cerveau, mais parce qu’ils exploitent des approximations statistiques puissantes.

Pourquoi ça marche malgré l’erreur

Ces modèles fonctionnent parce qu’ils sont localement valides, mathématiquement cohérents ou heuristiquement puissants. L’erreur devient alors un outil : elle structure la recherche, oriente les expérimentations et prépare les révolutions futures. La science progresse souvent par approximations successives, et l’histoire montre que l’utilité précède parfois la vérité.

Vers une science toujours révisable

La robustesse d’un modèle n’est pas la preuve de sa vérité ultime. La physique moderne, la biologie moléculaire, l’économie comportementale ou l’intelligence artificielle reposent toutes sur des cadres théoriques puissants mais incomplets. Les tensions entre gravitation et quantique, les paradoxes de la conscience, les limites des modèles économiques ou les biais algorithmiques montrent que la science actuelle, aussi avancée soit-elle, devra elle aussi se réinventer.

Ainsi, la science ne progresse pas malgré l’erreur, mais souvent grâce à elle. Ce n’est pas un aveu de faiblesse, mais la marque d’une méthode vivante, autocorrective et toujours perfectible.

Références et bibliographie

Expériences et découvertes issues d’erreurs fécondes

  • Pénicilline (découverte accidentelle par Alexander Fleming) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pénicilline

  • Rayons X (découverte par Wilhelm Röntgen) :

  • Micro-ondes (découverte accidentelle de l’effet par Percy Spencer) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Four_à_micro-ondes

  • Vulcanisation du caoutchouc (Charles Goodyear) :

  • Dynamite (Alfred Nobel) :

Théories et modèles scientifiques révisés

  • Théorie du phlogistique :

  • Théorie de la génération spontanée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Génération_spontanée

  • Éther luminifère : https://fr.wikipedia.org/wiki/Éther_luminifère

  • Géocentrisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Géocentrisme

  • Alchimie :

Figures scientifiques associées

  • Alexander Fleming (pénicilline) :

  • Wilhelm Röntgen (rayons X) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Röntgen

  • Charles Goodyear (vulcanisation) :

  • Alfred Nobel (dynamite, prix Nobel) :

  • Louis Pasteur (fin de la génération spontanée) :

  • Antoine Lavoisier (réfutation du phlogistique) :

  • Albert Einstein (relativité, abandon de l’éther) :

Concepts complémentaires

  • Sérendipité scientifique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sérendipité

  • Histoire des sciences :

  • Méthode scientifique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Méthode_scientifique

  • Erreur expérimentale : https://fr.wikipedia.org/wiki/Erreur_expérimentale

Effet Casimir : une lecture par l’intrication quantique naturelle (IQN) Introduction Vue par l'IQN ( intrication quantique naturelle ), ...